Lettre ouverte aux internautes et aux créateurs

La rentrée 2023 approchant, je pense qu’il est utile de mettre sur « papier » mon expérience, mes penséées pour en garder une trace, et de la partager et d’en discuter avec ceux que ça intéressera.

La mort de la créativité

J’ai toujours été intéressé par la création sous toutes ses formes. Sur l’internet que j’ai connu au début des années 2000, les réseaux sociaux n’existaient pas. Tout se passait sur des forums ou des blogs.

Les algorithmes de recommandations de contenus n’existaient pas, les créatifs n’avaient donc pas ce souci de devoir se conformer à un algorithme. Si la création n’était peut-être pas aussi répendue qu’aujourd’hui à l’ère de TikTok ou d’Instagram, elle était bien plus variée, diverse et subversive. Il n’était pas question ici de « créer du contenu » pour surfer sur la « pop culture », mais au contraire de profiter de cette nouvelle vague internet pour briser les possibles. Pour repousser les frontières et faire exploser les cadres traditionnels. De plus, il n’était pas encore question de vouloir « vivre de sa création sur internet ». Pour cause : les influenceurs n’existaient pas, et n’importe quel artiste souhaitant devenir un panneau publicitaire sur pattes serait devenu la risée de son entourage.

J’ai l’impression qu’aujourd’hui les valeurs sont inversées. Il y a toujours beaucoup de jeunes créateurs sur internet, mais la création n’est plus du tout la même. Les jeunes artistes de tiktok et d’instagram surfent sur les dernières tendances dans l’espoir d’être recommandés par les algorithmes, dans l’espoir de pouvoir gagner de l’audience, et ainsi trouver un moyen de monétiser leur travail. Les artistes se créent un double d’eux-mêmes, une version « brandée », vendable, monétisable. Les créations sont formatées jusqu’à l’absurde. Rien ne doit dépasser, rien ne doit déplaire aux algorithmes ou aux annonceurs.

Ca en devient inquiétant lorsque plusieurs jeunes artistes, dessinateurs, musiciens, cinéastes… viennent m’expliquer qu’en art, « tout a déjà été inventé de toute façon », et que les oeuvres d’art à venir ne seront que des redites de ce qui a déjà existé. Effectivement, sous cette perspective, l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les mains du grand public a de quoi être inquiétante…

Le besoin vital de casser les cadres et les codes

Nous avons besoin de sortir de cette spirale infernale des plateformes, des réseaux sociaux, des GAFAM, de la monétisation des contenus.

Nous avons besoin que les jeunes artistes ré-investissent internet et cassent les codes. Qu’ils cessent de vouloir se conformer aux standards d’Instagram, de TikTok, de Spotify, de YouTube. Qu’ils cessent de se bercer d’illusions en croyant pouvoir monétiser leur audience grâce à la publicité : le marché de la publicité est en crise, et cela sera de pire en pire. Rien ne sert de vouloir jouer le jeu de la guerre de l’attention : les dés sont truqués, et ça ne sera jamais en votre faveur.

Nous avons besoin que les artistes soient imprévisibles et incontrôlables. Qu’ils publient sur des plateformes inattendues. Qu’ils apprennent à créer leurs propres blogs ou leurs propres sites web, quitte à utiliser des outils clés en main tels que WordPress ou d’autres. Ou pourquoi pas même un retour à des simples pages HTML constituées de quelques lignes de code. Ou pourquoi pas encore des mails, ou des documents partagés.

Il faut également que les artistes s’investissent et se retrouves sur des plateformes alternatives aux plateformes dominantes, qu’elles soient gérées par des associations, ou des petites entreprises.

Je n’arrive pas à me dire que le formidable espace de création et d’échange que fut l’internet que j’ai connu au début des années 2000 puisse disparaître. Mais j’observe cependant que la domination des plateformes et de plus en plus écrasante, et que les jeunes semblent en grande partie s’être résignés, et ne plus vouloir se battre.

Et pourtant, j’en suis certain, les artistes de demains ne seront pas ceux qui produiront du contenu en masse pour les grandes plateformes, et qui pourront facilement être remplacés par des intelligences artificielles.

Les artistes de demain seront ceux qui réussiront à casser les codes et à nager à contre courant des tendances dominantes.

Les artistes de demain ne seront pas ceux qui chercheront à afficher de la publicité à leur audience, mais ceux qui produiront un contenu tellement inédit qu’il semblera totalement absurde de vouloir y adjoindre une valeur monétaire.

Ne laissons pas internet devenir un endroit chiant à mourir.

Réapproprions nous les outils d’internet : le web, les mails, les flux RSS, et ne nous soumettons pas aux algorithmes de recommandations des grandes plateformes.

Rapprochons nous des personnes proposant de nouveaux outils, utilisons les, tentons de leur trouver de nouveaux usages, et tentons de créer nous mêmes de nouveaux outils.

Soutenons les personnes qui font l’effort de créer de nouvelles choses. Sortons de nos habitudes, de nos bulles. Visitons de nouveaux sites web, ne nous laissons pas enfermer dans les cocons des algorithmes des géants de la technologie. Ne restons pas passifs en attendant que les plateformes nous vomissent du « contenu » dans les yeux.


Publié

dans

par

Commentaires

5 réponses à “Lettre ouverte aux internautes et aux créateurs”

  1. Avatar de Frédéric DUPEYRE
    Frédéric DUPEYRE

    Vraiment. En te lisant, j’envie de tout péter et me lancer dans une révolution, dynamiter les gafam et reconstruire un monde libre sur le cadavre de ces nouveau esclavagistes.
    Je vois en toi le Che Guevara (la partie avant connard de dictateur bien entendu), reste à être assez nombreux pour lever le poing et leur colère dans la gueule des gros de la tech, avec une force telle qu’ils iront planer jusqu’à Mars et rejoindre le plus pourri de tous Elon Musk.
    Merci pour ce texte.

    1. Avatar de Azénor

      Je crois que vous confondez le Che et Castro, Che Guevara étant, à ma connaissance, mort avant d’avoir eu le temps de devenir un dictateur. Je crois… à part ça, à peu pré d’accords avec vous, en mode moins énervé…*Hasta la Victoria Siempré et toutes ces sortes de choses…

  2. Avatar de Azénor

    J’ai lu, et je suis assez d’accord sur bien des points, mais je suis plus optimiste, je crois que la créativité humaine ne mourra qu’avec l’humain et qu’un peu partout, à chaque coin de rue, nous pouvons en voir les couleurs. Quand à internet… D’accord sur bien des sujets, mais je découvre souvent des créateurs qui m’enthousiasment sur les grosses plate-forme.
    Et je crois que l’histoire de l’art nous montre qu’il y a souvent eu des périodes, parfois longues, où des artistes tiraient mieux leur épingle du jeu financièrement parlant. Mais oui, mille fois oui à l’idée de soutenir les gens qui tentent du nouveau sans se soucier de plaire au monde de la finance, et des puissants. Et merci pour cette humeur de rentrée. Je vais me remettre à mon site.

  3. Avatar de Jean-Baptiste

    Incroyable pour moi ça remonte en 1995 dans mon métier de taxi, bien avant en 1969 à Paris n’ayant aucune connaissance en informatique et internet ! En 95 j’ai fait créer un site internet pour accueillir les gens à l’aéroport, ça a duré jusqu’à 2012 et ma retraite ! Aujourd’hui c’est grâce au talent de jeune que ça avance plus vite que de cingle qui veut foutre le bazar

  4. […] Un article sur la création sur Internet qui m’a franchement plu et que je voulais vous partager. C’est sur le blog de Corentin Quique. […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *